
Interview – Neurosciences et soft skills : prévenir le burn-out par la connaissance de soi

Jean-Louis Prata a exercé 18 ans comme consultant et DRH, formateur et coach. Il enseignait également à l’ESSEC, à l’IAE de Caen et à l’École de Management de Normandie.
Il est aujourd’hui expert de l’Approche Neurocognitive et Comportementale appliquée aux organisations et dirige le pôle R&D de l’IME Conseil, développant notamment des questionnaires en ligne sur le stress, les RPS et les personnalités.
C’est un partenaire historique de Monkey tie, notamment à travers l’exploitation du questionnaire de dynamique comportementale Pass to work.
En quoi les neurosciences nous aident-elles à mieux comprendre nos comportements au travail ?
Les neurosciences permettent de mieux comprendre ce qui sous-tend nos comportements et nos prises de décision, aussi bien dans la vie professionnelle que personnelle. Notre cerveau fonctionne selon différentes dynamiques de traitement de l’information. Identifier celles qui sont à l’œuvre dans un comportement donné peut nous aider, d’une part, à choisir consciemment le processus mental à privilégier dans une situation, et d’autre part, à le faire évoluer si besoin.
Prenons un exemple : une personne souhaite changer de métier pour exercer une activité qui la motive profondément “un métier-passion”, aligné avec ses motivations intrinsèques. Ces dernières correspondent à des compétences comportementales que l’on mobilise naturellement, avec plaisir et sans effort, et qui nous apportent de l’énergie. Néanmoins, cette personne est paralysée par la peur de l’échec (notamment le risque de se retrouver au chômage) et n’arrive pas à prendre de décision, ce qui la mine.
Dans ce cas, les neurosciences offrent une piste en mobilisant les ressources de l’intelligence adaptative. Elle peut faire un choix assumé ; soit décider de nourrir ses motivations intrinsèques malgré le risque, soit accepter de rester dans un métier moins motivant mais sécurisant. “
Pourquoi est-il important, selon vous, de connaître ses compétences comportementales ?
Connaître ses compétences comportementales est essentiel à trois niveaux :
1 – Pour l’employabilité
Les compétences comportementales jouent un rôle déterminant dans la réussite professionnelle, bien au-delà des compétences techniques.
Selon une étude de l’OCDE, la durée de vie moyenne d’une compétence technique est aujourd’hui de 2 ans, contre 30 ans en 1987.
Ces compétences doivent donc être régulièrement réactualisées ou remplacées. Avec le développement de l’intelligence artificielle, cette tendance va s’accentuer.
France Travail titrait en 2022 : D’ici à 2030, les soft skills seront au cœur des stratégies de recrutement des entreprises.
Cela résume bien l’enjeu : les compétences comportementales deviennent incontournables.
Un diplôme ou une expérience professionnelle ne suffira plus sans les soft skills appropriés.
France Stratégie l’a également souligné dans son dossier Les soft skills pour innover et transformer les organisations : ces compétences sont désormais un élément central pour les entreprises.
2 – Pour l’épanouissement professionnel
Mieux connaître ses soft skills et les dynamiques comportementales qui les sous-tendent permet de choisir une activité professionnelle alignée avec ses motivations profondes et ses aspirations de vie. En exerçant un métier qui a du sens pour soi, on trouve plus facilement l’envie de se lever le matin, on tolère mieux les aléas du quotidien, et l’on reste motivé parce qu’on est nourri par ses motivations intrinsèques.
Intégrer ses soft skills dans son parcours professionnel, c’est cultiver à la fois performance, bien-être
et capacité d’adaptation face aux évolutions du monde du travail.
3 – Pour prévenir les risques d’épuisement professionnel
Une bonne connaissance de ses compétences comportementales permet également d’identifier les domaines où l’on risque de s’épuiser, et ceux qui nous ressourcent. C’est une clé précieuse pour préserver sa santé mentale et prévenir les situations de burn-out.
Peut-on dire que certaines compétences comportementales protègent plus du burn-out que d’autres ?
Nos compétences comportementales reposent sur des dynamiques internes différentes.
L’étude Effet 2021 menée par l’IME Conseil a confirmé que certaines d’entre elles jouent un rôle protecteur, tandis que d’autres peuvent favoriser l’épuisement.
Ainsi, disposer de compétences liées à une dynamique adaptative (comme la nuance, la curiosité, l’expression d’une opinion personnelle, la souplesse…) et exercer un métier qui alimente nos motivations intrinsèques contribue à nous préserver du burn-out.
À l’inverse, les compétences comportementales nourries par un surinvestissement émotionnel sont souvent à l’origine d’un stress chronique, et représentent un terreau fertile au burn-out.
Prenons un exemple concret :
Un commercial porté par une motivation intrinsèque prendra plaisir à prospecter et à rencontrer des clients, indépendamment du succès immédiat de ses ventes. S’il dispose en plus d’une bonne dynamique adaptative, il saura gérer sereinement les objections ou critiques, et les traiter de manière constructive.
En revanche, un commercial en situation de surinvestissement émotionnel vivra dans l’angoisse permanente de l’échec. Cette peur constante peut le pousser à procrastiner, voire à s’épuiser, non pas à cause de la charge de travail elle-même, mais en raison de l’énergie consommée par le stress généré par son exigence émotionnelle.
Quels sont les premiers signaux neurocomportementaux d’un burn-out à venir ?
Le surinvestissement émotionnel est l’un des principaux facteurs d’épuisement pouvant mener au burn-out. Il se manifeste lorsque l’on a la sensation de ne jamais en faire assez, que l’on reste insatisfait malgré des résultats objectivement satisfaisants, ou encore que l’on ressent un mélange de plaisir intense et d’anxiété dans certaines situations.
Lorsque la simple idée d’un échec provoque de l’angoisse, voire de la souffrance, il est probable que l’on soit en situation de surinvestissement émotionnel.
L’étude, menée sur 16 750 répondants au questionnaire de dynamique comportementale Pass to work, a permis d’identifier les 10 domaines les plus fréquemment concernés :
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(1) Un exemple parlant : 42 % des répondants déclarent un surinvestissement émotionnel lié à la fidélité professionnelle, qui peut se traduire par un mal-être lors d’un changement d’équipe, de manager, ou de mission, même lorsque ces évolutions sont rationnelles ou nécessaires.
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(2) De même, 24 % des répondants éprouvent un surinvestissement émotionnel centré sur l’esprit d’équipe. Dans ce cas, ils peuvent se sentir fragilisés face aux tensions ou aux conflits, et avoir tendance à privilégier les besoins du groupe au détriment des leurs.
En quoi l’auto-connaissance comportementale peut-elle aider à prévenir l’épuisement professionnel ?
On confond souvent motivation intrinsèque et surinvestissement émotionnel, car tous deux peuvent procurer du plaisir dans l’action. Pourtant, leur nature est très différente.
Agir dans le cadre de ses motivations intrinsèques procure de l’énergie sans générer de pression :
on agit avec plaisir, et l’échec n’altère ni l’estime de soi, ni l’envie de recommencer.
À l’inverse, le surinvestissement émotionnel pousse à se fixer des objectifs parfois inatteignables,
et à souffrir à l’idée de ne pas les atteindre. Il devient alors une source de tension et de fatigue,
parfois jusqu’à l’épuisement.
Mieux se connaître sur le plan comportemental permet de faire des choix professionnels plus éclairés et alignés avec soi-même, en particulier en identifiant :
- Les motivations intrinsèques qui nous ressourcent durablement
- Le niveau de stabilité ou de nouveauté dont nous avons besoin
- La posture relationnelle (leader, soutien, facilitateur…)
- Les domaines de surinvestissement émotionnel à éviter pour prévenir le burn-out
- Les irritants comportementaux générateurs de conflits de valeurs ou de souffrance au travail
C’est précisément dans cette logique qu’a été conçu l’outil Pass to work, pour permettre à chacun de mieux comprendre sa dynamique comportementale et construire un parcours professionnel plus sain, plus motivant et plus durable.
En savoir plus !
Vous voulez découvrir tous les secrets pour mieux comprendre le cerveau et prévenir le burn-out ?
Trois experts du domaine aborderont ce thème lors de notre prochain webinaire :
- 🎙 Jean-Louis Prata, Directeur du pôle Innovation au sein de l’IME Conseil
- 🎙 Stephanie Barthelet, Consultante spécialiste en reconstruction post burn out
- 🎙 Nicolas Morel, Dirigeant de Monkey tie
📅 Jeudi 25 septembre à 9h30: Je m’inscris